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Marie et Max
--> Dieu nous impose une famille, Dieu merci, on peut choisir ses amis
J’ai rarement vu de film me rappeler aussi souvent que la merde et le chocolat étaient de la même couleur… Marie Dinkle est une petite Australienne de huit ans. Sa vie n’est pas bien rose entre son physique ingrat qui fait d’elle une tête de Turc à l'école et son entourage aussi morne que peu préoccupé de son sort, en particulier son alcoolo de génitrice. À l’autre bout du globe, Max Horrowitz est un Américain obèse hyperphage juif nanti du syndrome d’Asperger et d’une existence guère plus joyeuse. Un jour, Marie, qui n’a pas d’ami, décide de s’en trouver un en le choisissant au hasard dans l’annuaire. Elle écrit à Max pour lui poser des questions banales telles que : « Est-ce qu'en Amérique les bébés naissent dans des canettes de coca? » et ainsi débutera une correspondance intercontinentale durant une vingtaine d’années. Voici un film que mon cher et tendre nous avait déniché au petit bonheur la chance alors que nous ne savions que regarder entre deux épisodes de Red Dwarf ou Daria. Bien sûr, ce qui nous a interpellés, c’était le fait qu’un des deux protagonistes était, à mon instar, un Aspie. Mais du reste, nous n’avons pas été plus loin et avons entamé le visionnage sans méfiance. Dès les premières minutes, on perd l’a priori d’une animation enfantine toute choupie en pâte à modeler. Outre les personnages qui sont TOUS incroyablement moches (au point que c’était limite perturbant), les teintes sont ternes, jonglant entre le gris et le sépia, et on découvre très vite qu’il s’agit d’un environnement empathique : ce qui est raconté est aussi triste, mélancolique et laid que la tache de vin sur le front de Marie (qui nous est d’entrée en jeu décrite comme étant « couleur caca »). Et il faut reconnaître que cela est agréablement rafraîchissant si vous en avez ras la frange des animations colorées débordantes de bons sentiments et les happy ends, d’autant plus que ça n’empêche pas de pénétrer dans l’histoire et de trouver les personnages rapidement attachants et attendrissants. Le film est inspiré d’une histoire vraie et peut être vu comme un hommage du réalisateur Adam Elliot à son ami Asperger new-yorkais avec qui il avait lui aussi correspondu pendant vingt ans. Et moi dans tout ça, comme je suis aussi une Aspie, je me sens obligée de savoir où je me situe par rapport à Max, et la vérité et que je n’en sais fichtre rien. Tantôt j’ai reconnu chez lui des signes typiques qui sont aussi présents chez moi, tantôt pas. Notamment, quand Marie, qui a entretemps grandi et est devenue une jeune femme en train de finaliser sa thèse de fin d'étude, décide d’écrire un livre sur le SA inspiré par Max dans lequel elle annonce cash qu’elle veut le guérir. Autant je comprends l'ampleur intergalactique de son erreur (de un, ce n’est pas une maladie, de deux, aucun Aspie ne voudrait renoncer à sa particularité), autant je ne comprenais pas pourquoi il était si en colère contre elle (au point de ne plus lui écrire pendant des mois) alors qu’il est évident qu’elle n’avait nulle mauvaise intention et s’était juste méprise (bon, je dois être le genre d’Aspie qui a appris à pardonner aux neurotypiques qui font preuve d’ignorance naïve à notre égard…je sais bien qu’ils ne sont pas méchants, c’est pour ça). Mais je garde à l’esprit que l’histoire se déroule dans les années 70 dans des contrées anglo-saxonnes, ce qui est un contexte très différent de celui qui était le mien quand on m’a diagnostiquée en Belgique alors que j’avais 18 ans (j’en ai maintenant 27). Néanmoins, je dois dire qu’il est plutôt heureux de voir un Aspie tel que Max alors que le paysage télévisuel actuel comporte pas mal de personnages « aspergerish » semblant juste surfer sur une sorte d’effet de mode circulant en ce moment autour du syndrome et n’en étant souvent qu’un portrait approximatif. L’important cependant, c’est que j’ai
ressenti l’histoire de Marie et Max comme authentique et réaliste à propos de l’isolement
d’une personne différente, et plus généralement des effets de la vie en société. Et si certaines piques sont critiques, c’est sans pour autant poser le film en
moralisateur. On est plus dans la mise en scène des sentiments des personnages
sans y apporter de jugement, juste en les laissant imprégner le spectateur, qui
ne manquera pas d’avoir les yeux qui piquent (à moins de ne pas avoir de cœur). Et si visuellement je trouve ça moche (quoi qu’on s’y fait), auditivement ça compense : la musique est formidable, bien appropriée, et donne une impression entre le conte pour adulte et le déprimant bêtement réaliste. Les intimidateurs ont vraiment une sale gueule. Ecrit par Campanita, le Mercredi 14 Janvier 2015, 10:44 dans la rubrique "Films".
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