Je suis récemment tombée sur cet article (qui n’est lui pas aussi récent, mais bon).

Et je me sens quelque peu concernée. Parce que je pèse 45 kg pour environ 1 m 68. Je ne le fais pas exprès, je ne l’ai jamais fait exprès. Je suis en déficit pondéral depuis l’enfance, c’est comme ça. Okay, je suis difficile avec la nourriture, mais j’ai tendance à adorer les sucreries, et dans une moindre mesure, les aliments trop gras. Dans le salé, ma préférence va à la viande. Un bon steak avec plein de sauce ! Ma réaction devant des pilons de poulet au curry ou devant des travers de porc tex-mex, c’est à peu près ça :

Ce que j’aime le moins, ce sont les légumes. Et je mange toujours à ma faim. Certaines personnes ne peuvent pas se permettre un tel régime alimentaire sans devenir énormes. Moi si. Mais je ne le fais pas exprès, et encore moins pour narguer qui que ce soit.

Je conçois que les nanas filiformes dans mon genre, ça puisse en faire enrager parmi celles (je ne parle pas de ceux, car je ne sais pas trop comment les mâles vivent cela) qui doivent sans arrêt se priver pour pouvoir cadrer avec les « normes » rabâchées par les médias. Mais est-ce si difficile à avaler (sans jeu de mot) que je puisse simplement avoir un métabolisme plus rapide que la moyenne ? 

Mais non, on me répète à tort et à travers que « C’est ta faute ! », « Tu ne n’as pas le droit de te plaindre », « Tu es anorexique ou quoi ? », « Euh…par hasard, tu te ferais pas vomir, toi ? ». Nanmého ! Moi quand je vomis et qu’on peut effectivement dire que je l’ai cherché, c’est après une soirée trop bien arrosée !

Bon, ce n’est pas non plus comme si j’étais quotidiennement harcelée à cause de ça. Je vis plutôt bien ma maigreur que j’assume parfaitement. Mais de temps en temps, un détail, une remarque, me donne envie de sortir de mes gongs. Un jour, une fille qui mangeait une gaufre en face de moi, n’ayant plus faim, s’apprêtait à la jeter à la poubelle. A la dernière seconde, elle a arrêté son geste et m’a tendu sa collation en disant : « Tiens, tu me fais pitié ! ». Je la connais et je sais qu’elle blaguait (et est d’ailleurs adepte de la plaisanterie vache, donc, avec elle, c’est un peu une habitude), mais étrangement, ça m’a plus touchée que ça aurait dû. J’ai plein d’anecdotes de ce genre : l’infirmière d’une visite médicale scolaire qui me demande si je suis anorexique après avoir calculé mon IMC (alors que je m’enfile une barre de chocolat devant ses yeux). Le toubib de la collecte de sang qui me renvoie dans le couloir en me donnant le conseil d’aller au Macdo plus souvent… Toutes ces filles enrobées qui me comparent à un sac d’os, qui me disent que mes bras sont des allumettes, que j’ai une taille comme leur cuisse, qui n'en reviennent pas de me voir en train de manger et me regardent comme si j'étais une alien, voire qui sont étonnées au cours de gym de découvrir que oui, j’ai bien un soutien-gorge. C’est aussi vexant que les « taquineries » sur les bourrelets. Même quand c’est de l’humour, à force, c’est relou.

Le culte de la minceur est à double-tranchant. Non seulement, il fait culpabiliser les rondes qui n’entrent pas dans le moule, mais en plus, il dit aux maigrichonnes de se la fermer, parce que quand on a la « chance » d’avoir une telle silhouette, on n’a pas le droit de se plaindre. Pourtant, il n’y a pas que des avantages. Traiter une ronde de « grosse vache », c’est pas bien, c’est de la discrimination, mais traiter une maigre de « squeletor », bah, elle n’avait qu’à pas, alors c’est permis ! Le politiquement correct, c’est pas toujours pareil pour tout le monde. C'est bien de revaloriser les femmes un peu fortes et de leur dire qu'elles n'ont pas à ressembler aux top-models pour être jolies, mais pourquoi faut-il que ça passe par tenir toutes les maigres (voire les simplement minces) pour des pétasses prétentieuses fières d'être taillées comme un cure-dent, et de par-dessus le marché, utiliser l'anorexie (une maladie grave) comme une insulte pour les rabaisser?

Les étalages de supermarchés regorgent de produits light qui promettent de faire fondre le superflu (ou d’empêcher d’en prendre), mais avez-vous déjà vu la moindre étiquette vanter les vertus engraissantes d’un aliment afin de satisfaire celui qui voudrait prendre du poids, histoire de ne plus ressembler à un moineau? Ouais, d’accord, vous me direz qu’il suffit d’acheter ce qui n’est pas présenté comme alléger…les produits qui omettent, quoi…ce qui au passage ne garantit pas qu’ils ne soient forcément bons pour la santé. On peut être maigre et avoir du cholestérol, des carries…Mais plus sérieusement, dire à une personne maigre qu’elle n’a qu’à s’empiffrer de chips et de hamburgers et puis voilà, c’est quand même bien stupide ! Si on veut acheter de quoi se remplumer de manière saine, il faut direct aller en pharmacie.

Idem pour les vêtements, autant je trouve plus que limite qu’il existe des magasins « spécial grosses » (je trouve ça discriminatoire), autant j’enrage toujours autant quand je me rends compte que ce petit haut que je trouve si joli n’existe plus en S alors qu’il en reste dix en M et en L (des fois, je songe à aller au rayon enfant), et que ce pantalon fait pour être porté moulant, ben moi, je ne le remplis pas ! Encore heureux que j’aie quand même un peu de hanches (je mets rarement de ceinture, et encore, plus pour le look que pour éviter de me retrouver en culotte devant tout le monde), parce que niveaux jambes et fesses, je suis gaulée comme une héroïne de shôjo.

Voilà, j’ai l’air d’avoir été dessinée par Ai Yazawa !

Après, entendons-nous : loin de moins l’idée de passer un coup de gueule contre les rondes et de relativiser leur malaise quand on les insulte ou que les média les poussent à faire un régime au nom d’une mode qui changera tôt ou tard. C’est juste que le tabou ne semble pas être le même. Rappelez-vous ce grand échalas de Mika et son Big Girl (You Are Beautiful), très belle chanson, et beau message. Mais imaginez qu’à la place il ait fait l’apologie des « skinny girls » qui peuvent très bien être beautiful elles aussi…on l’aurait fustigé pour être un macho accordant trop d’importance à l’apparence !

Être trop grosse ou trop mince, finalement, il n’y a pas une situation qui est pire que l’autre, que ça soit au niveau médical ou au niveau de la discrimination. La société est, je pense, aussi sévère avec tous les cas de figure. Les gens minces qui critiquent les gros et vice et versa, ils ont des complexes, ils n’assument pas, alors, ils passent leur rancœur sur l’opposé. C’est d-é-b-i-l-e. Pour moi, les seuls cas préoccupants sont les extrêmes : l’anorexie et l’obésité morbide, parce que la santé est en danger, qu’il s’agit de personnes malades qui ont besoin d’aide (mais certainement pas de subir le regard et les commentaires empreints de méchanceté de leurs congénères). Mais une fille qui a cinq kilos de trop ou de trop peu ne devrait pas s’en faire. Le tout c’est de l’accepter. Oh, et tordons un peu le cou aux clichés du genre : « Les mannequins sont toutes des planches à repasser » et « Les hommes préfèrent les rondeurs ». Sérieusement, sur cette planète, y’en a pour tous les goûts !