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Le crime du Comte Neville
--> si jamais Amélie Nothomb vous invite à dîner, méfiez-vous, elle a le fantasme du meurtre d'invité!
«Il existe une frontière temporelle, d'autant plus énorme qu'elle n'est pas officielle, qui sépare l'humanité en deux espèces qui pourraient bien ne jamais se comprendre. Arbitrairement, situons-la en 1975, tout en étant conscient d'une variabilité extrême de cette date en fonction des pays et des milieux. C'est la limite qui sépare les enfants nés pour séduire des enfants nés pour être séduits. Les enfants de l’ancien monde n’avaient droit qu’à une portion congrue d’attention et d’affection, sauf s’ils s’efforçaient de séduire leurs parents ; les enfants modernes étaient dès leur naissance l’objet d’une tentative de séduction de la part de leurs parents – ces derniers n’ayant droit qu’à une portion congrue d’affection. C’était une révolution de point de vue : les enfants, qui dans l’ancien monde n’étaient qu’un moyen, étaient devenus la fin, le souverain but. » Le comte Henri Neville est un vieil aristocrate belge et un parangon dans l'art de recevoir. Alors qu'il prépare l'ultime garden-party avant de revendre son château, sa fille Sérieuse est retrouvée grelottante en pleine nuit par une voyante. Celle-ci, croyant à une fugue, alerte son père et en profite pour lui prédire son avenir: lors de la garden, il assassinera un des invités. Ce qui met Neville dans tous ses états: tuer quelqu'un, ça passe, mais tuer un invité...ce n'est pas que c'est monstrueux, c'est que c'est mal élevé! Sérieuse, qui depuis un traumatisme survenu quand elle avait douze ans a perdu toute sensibilité, offre à son père la solution: il n'a qu'à la tuer elle, ainsi elle sentirait enfin quelque chose. Il y a différents types de romans d'Amélie Nothomb: les dialogants, les pure fictions, et les autobiographies (dont les gens n'ont rien de mieux à faire que de questionner leur véracité plutôt que de profiter de ce qui est raconté). Le crime du Comte Neville est un peu de tout ça à la fois. Ce sont des dialogues piquants entre Neville et sa fille, c'est un conte perché sur un univers particulier, et ça ne cache pas quelques petites similitudes avec l'auteur (qui est même baronne depuis peu). À partir d'une référence évidente à Oscar Wilde, Amélie nous offre sa version, toute empreinte de belgitude, dans ce qu'elle n'hésite pas à qualifier de « tragi-bouffonerie » ou de « côté obscur de la Force belge ». Elle dépeint ce monde qu'elle connaît bien dans une teinte que l'on pourrait juger cruelle et moqueuse, mais néanmoins empreinte d'une affection certaine. Le comte est son père, ou même elle-même. À moins qu'elle ne soit Sérieuse, l'ado aux sens anesthésiés qui voit ses parents jouer au jeu de la séduction auprès d'invités (une race à part, sacrée) en imposant la présence de ces intrus mis sur piédestal à leurs enfants (et en plus, ils boivent tout le champagne, là je peux comprendre). Encore une fois, ça se lit en quelques heures (on ne se lève que pour se préparer une tasse de thé), quelques heures durant lesquelles on est happé dans une histoire à dormir debout mais qui reste fascinante. Et on en ressort tout groggy, se demandant ce qu'on vient de lire au juste. Plutôt que de chercher à démasquer l'assassin, on est en quête de l'identité de la victime. La fin, que je ne spoilerai pas, est assez étonnante en cela que je ne m'attendais pas à ce genre de résolution venant d'Amélie. Tout se règle en un paragraphe et...j'ai dû me retenir de rire de manière hystérique tant cette conclusion était étrange mais aussi tellement logique. Ecrit par Campanita, le Vendredi 11 Septembre 2015, 16:12 dans la rubrique "Bouquins".
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