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Hello, je suis Campanita. Juste un petit blog pour partager mes petites créations ainsi que mes impressions sur le monde...

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Voyons ce qui se raconte dans la jouebosphère...

Une place à prendre
--> de J K Rowling


«Bienvenue à Pagford, petite bourgade en apparence idyllique. Un notable meurt. Sa place est à prendre...Comédie de moeurs, tragédie teintée d'humour noir, satire féroce de nos hypocrisies sociales et intimes, ce premier roman pour adultes révèle sous un jour inattendu un écrivain prodige.», dit le quatrième de couverture.

Je ne me suis pas jetée sur le nouveau bébé de JK Rowling avec la même ferveur à la limite de la mystique en transe avec laquelle j'avais fondu sur les tomes 5, 6 et 7 de son Harry Potter qu'on ne présente plus (j'avais pris le train en marche après la sortie de La coupe de feu). Non, mais HP, c'est juste l'une des fictions les plus marquantes de ma vie, cette saga m'a fait ressentir des émotions incroyables! Alors, quand j'ai appris que sa génitrice avait sorti un roman pour adultes, bien sûr que je savais que ce ne serait pas pareil et que je n'y retrouverais jamais la même fébrilité. Donc, pas de précipitation vers la librairie en ahanant comme une hystérique en manque d'oxygène. Je n'ai même pas essayé de le lire en anglais, alors que The Order of the Phoenix était justement le livre que m'avait décidée à franchir le pas de tenter de me passer de ma langue maternelle quand ce n'était pas celle de l'auteur. Et si mon anniversaire ne tombait pas ce mois-ci, je ne me serais pas arrangée pour me le faire offrir et j'aurais sans doute attendu qu'il sorte en poche.

Mais tout de même, la curiosité me taraudait: que pouvait bien contenir le nouveau produit de celle que je considère comme un de mes auteurs favoris, alors que jusqu'ici elle n'était à l'origine que d'une seule œuvre (même si l’œuvre en question est tout bonnement énorme)? Elle désirait très probablement prouver qu'elle était capable d'écrire autre chose.

Et puis, zut, elle fait ce qu'elle veut d'abord!

La couverture, quoi que criarde, me plaisait avec son côté simpliste. Le titre (The Casual Vacancy en vo, ce qui se traduit littéralement par «La vacance fortuite») et le résumé nettement moins. Une histoire de satire sociale sous fond politique dans un bled paumé situé je-ne-sais-où dans le Pays de Galles? Sérieusement, l'aurai-je seulement regardé si ce n'était pas de Joanne? Je ne sais pas, mais je l'ai fait, et je ne suis pas déçue. C'est aussi volumineux que Harry Potter, et ça se dévore pareil. Mais je pense que je vais arrêter là avec les comparaisons avec les chroniques du sorcier bigleux, car je crois que ce roman en souffre suffisamment comme ça. Et puis, si le but de Jo était bien de faire quelque chose de différent, c'est une réussite à ce niveau. Pour être différent, c'est différent! Le fait qu'il ne s'agisse pas du même traducteur renforce d'ailleurs ce changement, notamment de ton. Grosse rupture.

Mais impossible de m'arrêter de lire, je suis retombée dans ma mauvaise habitude des nuits blanches de lecture.

Point de magie et de monde enchanteur ici, juste le réel, le cruel, le terrible de la vie. L'aspect british donne l'impression d'être plongé dans un long épisode d'Inspecteur Barnaby, le tout saupoudré (ou noyé) de chiendent et de fange. Pagford a l'air d'une charmante paroisse digne de carte postale, mais une fois disséquée avec soin, on découvre tous les petits travers d'une société où tout le monde se connaît, avec l'humour un peu pince-sans-rire et le recours à la litote habituels de cette écrivaine.

Le langage est beaucoup plus cru, parfois même trop, au point que j'ai parfois eu l'impression qu'elle le faisait exprès pour dire: «Eh, regardez, c'est de la littérature pour grandes personnes!». Même remarque pour certaines scènes (viol, violence conjugale...). Mais passée ma première stupeur, je trouve au final que cela ne fait que contribuer à l'ambiance de boue sociale.

Les secrets honteux dissimulés sous cette «perfection britannique» ne sont pas bien originaux: liaisons extra-conjugales, jalousie, mal-être adolescent, drogue, misère,...mais encore une fois, c'est dans ses personnages que Jo excelle: il y en a une multitude, et le jonglage  avec les points de vue (parfois en plein milieu d'un chapitre) est étonnant. Les protagonistes se croisent et leurs destins s'entrecroisent, pendant que le lecteur est transbahuté d'un à l'autre pour appréhender tour à tour chaque facette de l'histoire avec leurs différents filtres moraux, leurs visions de la vie, leurs aspirations, leurs envies, leurs secrets, leurs hontes, leurs contrariétés. Chacun est décrit avec un éclairage sévère mais juste, la vie est montrée dans toutes ses nuances. Personne n'est complètement noir ou blanc, chaque personnage peut susciter la haine et ensuite l'empathie trois paragraphes plus loin.

Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, le fameux Barry Fairbrother du résumé n'est pas le personnage central, puisqu'il meurt dans le prologue...quoi que. Même ad patres, sa présence est perceptible, le vide et la place au conseil paroissial (convoitée par plus d'un) qu'il laisse deviennent le catalyseur d'un cataclysme, bouleversent des quotidiens. Deux camps se forment, les pour et les contre Barry et son «œuvre», le tout articulé autour du problème épineux de la cité sociale des Champs construite sur des terres pagfordiennes mais appartenant à la ville voisine et rivale Yarvil, ainsi que de Bellchapel, clinique de désintoxication située dans l'abbaye désaffectée. Mais chacun a des motivations bien précises, et tous n'ont pas forcément à cœur le bien-être d'autrui, qu'ils se targuent ou non de désirer s'inscrire dans la lignée de ce que faisait Barry. Le fantôme de celui-ci plane toujours. Et en plus, c'est un fantôme qui sait se servir d'Internet et des failles informatiques!

Certains personnages n'ont pas réussi à trouver grâce à mes yeux, tel Fats, l'aspirant Nietzsche en toc et son obsession de l'«authenticité» au mépris des sentiments des autres; ou encore Simon Price, le père abusif au caractère détestable et mal dégrossi. D'autres m'ont été sympathiques d'un bout à l'autre: cette pauvre pauvre pauvre petite Sukhvinder, mal dans sa peau, tourmentée à l'école, défavorisée par sa mère; Andrew, bien qu'un peu pathétique, avait son petit côté héroïque; et Kay, malgré ses humeurs, m'a laissé une certaine impression d'intégrité. Et puis, il y a ceux qui sont détestables par moments et honorables dans d'autres. En tête de liste, Krystal Weedon, la caillera du coin au string qui dépasse, et sa junkie de mère. Cette jeune-fille est plutôt lamentable à première vue, mais elle se révèle étrangement une héroïne qu'on veut voir triompher dans son combat pour une vie meilleure. Citons aussi cette milf de Samantha, elle est pitoyable, mais justement, on finit par la prendre en pitié. Quand le roman ne s'adresse pas du tout aux adolescents, ceux-ci y occupent une certaine place. Alors que les querelles politiques qui secouent leurs parents les indifférent, ils vont avoir une influence inattendue sur celles-ci.

Je ressors de ce roman avec une sensation de laideur du genre humain, mais ce n'est pas à prendre dans le sens négatif, car même si on peut songer que certains aspects sont légèrement caricaturaux, cela reste de la description de quelque chose qui peut exister et qui tient la route. Le drame de la vie.  Je ne pense pas spoiler en révélant que la fin est des plus douces-amères, car cela finit par se deviner au fil de la lecture.


Bref, peut-être pas le roman du siècle, mais pour moi, c'est une réussite.
Ecrit par Campanita, le Mercredi 12 Décembre 2012, 22:58 dans la rubrique "Bouquins".