Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

Bienvenue

Hello, je suis Campanita. Juste un petit blog pour partager mes petites créations ainsi que mes impressions sur le monde...

***

Vous pouvez emprunter les images de mes peintures et dessins, mais veuillez me créditer si vous le faites.


Vous cherchez un article en particulier? Par ici!


...ou par-là!

Voyons ce qui se raconte dans la jouebosphère...

Les prénoms épicènes
--> Ameri-Sama!


Chaque année, Amélie Nothomb sort un nouveau roman à la rentrée littéraire, et chaque année Campanita affiche un retard affligeant pour ce qui est de sortir l’article qui en fait la critique. Il est des choses qui ne changent pas. Admirez ma belle régularité dans l’art de traîner.

Alors, sur le thème la dualité dans la bibliographie d’Amélie, on avait déjà Mercure qui avait deux fins, ici, nous avons Les prénoms épicènes qui forme un dyptique avec Frappe-toi le cœur !, le cru de l’année dernière. Les deux ont un thème commun : les relations parent-fille, avec le parent qui se révèle toxique pour la fille, la différence étant que si l’an dernier on épinglait les mamans, ici on s’attaque aux papas. Et croyez-moi, celui dont il est question donne une nouvelle dimension au mot « obsession ».

Mais d’abord, penchons-nous sur le titre, ce qui nous amène à la question : « Mais c’est quoi un prénom épicène ? » On le sait, Amélie Nothomb est une spécialiste des prénoms alambiqués : Prétextat, Plectrude, Déodat, Palamède, et bien d’autres... Bref, quand on connaît l’animal, on n’est même pas étonnés : elle nomme toujours ses personnages avec un grand soin. Eh bien, un prénom épicène, c’est tout simplement le terme correct pour parler d’un prénom « unisexe ». Les protagonistes s’appellent Claude (homme), Dominique (femme) et leur fille...Épicène. Logique. On ne peut plus logique.

Après une scène de rupture en guise de prologue, le roman débute sur les prémices de la romance relation entre Claude et Dominique pour continuer sur leur vie de couple, mariage, naissance d’Épicène, parcours scolaire de cette dernière, et tentative d’ascension sociale de Claude... Très vite, on ressent qu’il y a quelque chose qui cloche dans cette famille, et ce depuis le début, on devine que Claude n’est pas sincère, mais ce qui intrigue, c’est à quel point et dans quel but. Et comment Dominique et Épicène vont se dépêtrer d’un des pires époux et pères que ce monde ait vus. 

J’avais beau avoir plus ou moins deviné le dénouement, l’avoir attendu et espéré avec force, il n’empêche que je l’ai savouré même sans l’effet de surprise. Ce n’est certes pas la première fois que la romancière met en scène un salaud, mais celui-ci m’a tout particulièrement débectée. Sans trop entrer dans les détails : Claude n’a jamais eu d’amour sincère pour femme et enfant, elles ne sont pour lui que les outils d’une vengeance qu’il rumine et met en place depuis des années... Je ne parviens pas bien en identifier la raison, mais il me dégoûte plus que la ribambelle de psychopathes auxquels je suis habituée de la part de cette écrivaine. Peut-être parce qu’eux se contentaient de prendre des vies, parfois par amour. Alors que Claude en crée une par vengeance et par haine.

Néanmois, là où dans Frappe-toi le coeur ! toute mon attention se portait sur son héroïne Diane, aux prises avec des mères toxiques (la biologique comme celle de substitution), le père restant effacé ; je trouve que Les prénoms épicènes fait se partager le devant de la scène entre Épicène et Dominique, unies contre un ennemi commun, et j’ai même eu d’avantage d’empathie envers la mère et épouse flouée. 

Reste qu’Épicène est une héroïne traditionnelle nothombienne. Alors que sa mère se voile la face sur la situation malsaine, allant même jusqu’à sacrifier ses envies personnelles, Épicène, enfant surdouée, comprend rapidement que son père ne l’aime pas, qu’il est nocif, lui retourne sa haine et tente autant que possible de se préserver de lui. D’abord en ayant recours à la métaphore animalière : le cœlacanthe, un poisson qui peut s’éteindre pendant des années si son milieu devient trop hostile, se laissant alors gagner par une mort temporaire en attendant de pouvoir « résuciter » quand les conditions se seront améliorées. Et pour sa résurection, Épicène s’inspire du mythe d’Orphée qui la fascine depuis un épisode de son enfance, quand suite à un déménagement (encore un coup égoïste de son père), elle rêvait de rejoindre sa meilleure amie restée sur l’autre rive de la Seine, fleuve qui joue ici le rôle du Styx. Et enfin, la jeune fille devenue adulte sortira de ce silence, de cette mise entre parenthèses, se lancera dans l’étude de la langue anglaise et consacrera sa thèse au verbe ‘to crave’, terme polysémique faisant référence à la faim sous toutes ses formes, un écho évident à Biographie de la faim.

Comme d’habitude, l’écriture est fluide et percutante, chaque phrase calculée, chaque image puissante. L’histoire semble calme, banale même, mais cache une violence et une cruauté inouïes.

C’est une lecture qui en tous cas ne peut laisser indifférent et dont la conclusion apporte un bien-être carthartique.

Ecrit par Campanita, le Lundi 12 Novembre 2018, 15:14 dans la rubrique "Bouquins".