Campanita - Sauvée par un bouquin et une tasse de thé...

Il y a tout juste un an, j'étais à Liège.

Je bossais sur mon travail de fin d'études, dans la Bibliothèque Générale de l'ULg, Place du 20 août. Environ une demi-heure avant l'arrivée de mon bus de 12h37, j'avais terminé ce que j'avais à faire là pour la journée.

J'aurais pu attendre à l'arrêt Place St-Lambert, une demi-heure, ce n'était pas si long. Mais au mois de décembre, j'aimais autant être au chaud. Ainsi donc, je m'étais installée à la terrasse à l'intérieur de la Galerie St-Lambert, celle qui se situe près du tourniquet donnant vers la Place St-Denis. Je n'étais qu'à une centaine de mètres de l'arrêt de bus. J'avais pris un thé vert aux agrumes. A cette terrasse, ils nous servent souvent une miniardise consistant en une mini-verrine en plastic remplie d'Advocaat. Je lisais un livre en attendant le bus, le tome 2 du Chant des sorcières, de Mireille Calmel.

L'heure tournait. Vers 12h 30, je m'étais dit qu'il était temps d'y aller. Que ce serait bête de manquer ce bus. Mais je n'avais pas terminé mon chapitre. Il me restait quelques pages. J'avalai la dernière gorgée de thé et me mis à lire un peu plus vite, mon GSM posé sur la table pour surveiller le temps.

12h 34, je refermai le livre. Je rangeai les emballages de sucre en papier dans la tasse, ainsi que la serviette et la verrine, parce que j'avais l'impression que ça faisait plus propre pour celui qui allait devoir débarrasser. J'étais en train d'enfiler mon manteau quand les gens commencèrent à se précipiter en courant, certains hurlant, vers la Place St-Denis. Nordim Amrani venait de jeter la première grenade.

Sur cet évènement, je pourrais dire pas mal de choses, déjà racontées à mes proches pour la plupart. Des quelques secondes durant lesquelles je n'avais pas peur, juste de la curiosité, avant que l'instinct animal ne reprenne le dessus: «Mais suis tes congénères, bordel!»; du petit magasin dans lequel je m'étais réfugiée; des deux filles qui riaient nerveusement (comme si elles auraient pu trouver ça sincèrement drôle de toutes façons!) cachées derrière une des cabanes du Village de Noël; de mon père que j'avais au téléphone et qui me racontait ce qu'il entendait au JT à la maison et que je ne pouvais pas voir de ma position; de ma mère venue me chercher en voiture quelques temps après; de Mélanie que nous avions embarquée au passage, qui revenait de l'Îlot St-Michel les bras chargés de ses courses de Noël quand elle avait entendu la détonation; de toutes les personnes que j'avais l'habitude de voir à l'arrêt de bus mais auxquelles je n'avais jamais adressé la parole, et qui étaient peut-être mortes.

Mais le plus fou, c'est la réflexion que je me fais depuis ce jour-là: je suis vraiment une chanceuse, car si je n'avais pas eu envie de terminer ce foutu chapitre du Chant des sorcières au risque de rater le bus, et si je n'avais pas eu envie de boire du thé au chaud, j'aurais été à l'arrêt à l'instant t.

Je ne crois pas trop aux trucs du genre le destin et les anges gardiens. Mais c'est juste dingue comme tout aurait pu être radicalement différent pour moi si j'avais pris d'autres options. Une tasse de thé, un bouquin. Des détails aussi anodins. Fichtre!