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La Passe-Miroir, tome 1: Les fiancés de l'hiver
--> par Christelle Dabos
Derrière son écharpe usée et ses lunettes, Ophélie cache des pouvoirs uniques : c’est une liseuse (elle peut lire le passé des objets en les touchant) et une passe-miroir (les miroirs lui permettent de voyager en passant au travers). Vivant tranquillement sur l'arche d’Anima (une des nombreuses îles flottantes où s’est réfugiée l’Humanité après un évènement apocalyptique appelé la « Déchirure »), son existence se voit chamboulée quand les Doyennes lui arrange un mariage avec Thorn, originaire de l’arche du Pôle. Arrachée à sa famille, Ophélie découvrira vite que le caractère glacial et revêche de son fiancé est le moindre de ses soucis : plongée dans un nouvel environnement ou tout n’est qu’illusion (ou presque) et où personne n’est digne de confiance, elle devient l’objet d’un complot politique, subit des intrigues de cour, et se retrouve entre les feux croisés d’une guerre des clans entre personnages aux pouvoirs terrifiants. Que ça fait du bien de constater qu’on peut encore trouver des auteurs à l’imaginaire débordant, qui s’adonnent au fantastique, à la fantasy ou la SF, et qui écrivent en français. Non, vraiment, j’ai l’impression qu’ils ne sont pas nombreux, ou du moins qu’ils ne sont pas assez mis en valeur. Christelle Dabos est Française (bien qu’elle ait habité en Belgique d’après ce que j’ai appris, ce qui explique le fameux patois du grand-oncle d’Ophélie : c’est du wallon !) Les fiancés de l’hiver est le premier tome d’une quadrilogie (trois sortis à ce jour, et le second est déjà en ma possession) et contient tout ce qui me plait : un univers riche, une ambiance étrange, des personnages complexes et des interrogations en suspend (Qu’est-ce que la Déchirure ? D’où viennent les esprits de famille ? Où se situe Arc-en-Terre ?...). Si je devais faire un reproche, ce serait le manque d’action et de dynamisme (alors qu’à partir d’un certain point, les mésaventures d’Ophélie s’enchaînent à une vitesse qui ne lui laisse pas le temps de souffler). Mais c’est un premier tome, ça pose les bases, et ça ne nous laisse qu’entrevoir des possibilités alléchantes. En particulier concernant les différents clans et leurs pouvoirs (moi, ce sont les Nihilistes qui m’intéressent…et aussi les Arcadiens…leur pouvoir, c’est un peu de jouer sur les dimensions façon TARDIS, non ?). Car il y a un potentiel certain, l’auteur ayant construit un univers fourmillant et conséquent. L’écriture est fluide et aide à rester happé dans le récit même dans les passages les plus mous. Et l’univers décrit…je ne saurais dire s’il me ravit par son inventivité ou s’il me donne envie de vomir. Je parle ici de l’aménagement des illusions dans la Citacielle (centre névralgique du Pôle) : tout est calculé pour émerveiller mais tout est faux, et tout va dans l’excès et la décadence. C’est Alice au Pays des Cauchemars, ce truc. Un mot sur les personnages. Commençons par l’héroïne, qui de l’avis de certains est un peu trop cruche et banale. Certes, le coup de la fille maladroite mais gentille qui subit un entourage superficiel n’a rien de révolutionnaire. Mais il y a cependant quelque chose chez Ophélie qui m’a interpellée, et qui au fil de la lecture l’a faite passée à mes yeux pour atypique, mais dans une manière elle-même atypique. Dans n’importe qu’elle autre roman du même genre, elle se serait métamorphosée pour devenir une badass qui finit par maîtriser le nid de serpents dans le quel elle est tombée. Mais non, elle reste humble et dépassée par les évènements, sans pour autant resté passive. Elle tire son épingle du jeu, mais dans des proportions réalistes. Elle n’est pas moche, mais elle est considérée comme telle (ou du moins inélégante) parce qu’elle ne ressent pas le besoin de se conformer aux standards, toujours elle privilégie son confort aux apparences (cette écharpe !). Elle a une éthique qu’elle ne transgresse jamais (la déontologie des liseurs qui leur impose de demander le consentement au propriétaire de l’objet). Elle n’est pas stupide, mais tout le monde la méprise et la traite comme une moins que rien. Ce que je peux tellement comprendre, j’ai de suite eu beaucoup d’empathie pour elle, qu’on a déracinée puis plongée dans un monde sans pitié où personne ne raisonne comme elle, où on ne lui explique aucune règle mais où on la punit sévèrement à la moindre incartade. Thorn est aussi un être fascinant, tout comme sa tante Berenilde. On ne sait jamais si on doit les considérer comme gentils ou méchants, s’ils sont oui ou non dignes de confiance. Il y a quelque chose d’incroyable dans le fait que je pouvais les détester profondément lors d’un passage pour ensuite éprouver une vive compassion pour eux dans le suivant. Je suis en tous cas heureuse qu’on ne nous fasse pas le coup de la romance sulfureuse et interdite entre Thorn et Ophélie. Pas que j’aie forcément de répulsion face aux romances, mais parce que je suis lasse de ce schéma de « L’amour commence par une dispute, qui aime bien châtie bien » (et accessoirement par l’idée implantée dans la conscience collective comme quoi si une histoire est écrite par une femme et/ou que le protagoniste est féminin et/ou que le public l’est aussi, la romance sirupeuse est obligatoire). En tous cas, Ophélie n’a toujours pas confiance en Thorn à l’issue de ce premier tome, et ce fait la bloque totalement. Je ne peux pas prédire qu’ils ne finiront pas ensemble d’ici trois tomes, mais en tous cas, cette relation sera à des années-lumière de Twilight ou de la collection Harlequin. À côté de cela, on retrouve une foultitude de personnage certes hauts en couleur, mais assez éloignés des stéréotypes attendus. Je peux dire qu’il est très difficile pour moi de les détester, tant ils parviennent à devenir attachants à leur manière. Sauf peut-être le chevalier, un gamin tout juste flippant qui a des « mommy issues » (et encore…). Il y aussi Farouk, l’esprit de famille du Pôle (l’ancêtre de tout les habitants de celui-ci et dieu parmi les hommes), un grand enfant capricieux à la mémoire défaillante, la très droite tante Roseline, le grand-oncle farfelu parlant wallon (qui s’occupe d’Archives, donc point bonus pour lui), le pétillant et bourru Renard, l’intriguant ambassadeur Archibald, la non-moins intriguante Mère Hildegarde… Le défaut majeur est, comme je l’ai évoqué plus tôt, qu’on a l’impression qu’il ne se passe rien (ce qui est pourtant faux…), mais pour moi, toutes les prémices d’une grande saga sont là. Ecrit par Campanita, le Vendredi 11 Mai 2018, 10:42 dans la rubrique "Bouquins".
Commentaires :
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Qui va là?
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